Mademoiselle Cinéma

Alice Guy nait le 1er juillet 1873 à Saint-Mandé. Son père, Émile Guy, est propriétaire d’une chaîne de librairies au Chili, à Valparaiso et Santiago. Établis au Chili, le couple Guy revient en France pour la naissance d’Alice, leur cinquième enfant. Ils repartent peu de temps après au Chili, confiant Alice à sa grand-mère maternelle à Carouge, en Suisse. Trois ans plus tard sa mère revient la chercher pour la ramener au Chili. À six ans, elle rentre en France et rejoint ses grandes sœurs en pension. Quelques années plus tard, la famille Guy fait faillite au Chili et rentre en France, Alice et ses sœurs quittent le couvent faute de moyens suffisants. Le frère d’Alice meurt à 17 ans d’une maladie cardiaque, suivi de près par son père. La famille est ruinée et Alice vit alors avec sa mère à Paris. Elle décide de faire des études de sténographie, une profession rare à l’époque et principalement destinée aux hommes.

A 21 ans elle entre comme sténographe au Comptoir général de la photographie, dont Léon Gaumont est employé.

Alice Guy

Mais la société est obligée de fermer. Avec plusieurs associés, Léon Gaumont la rachète, gardant le personnel, dont Alice. En 1896, alors âgée de 23 ans, elle réalise le premier film de fiction de l’histoire : La Fée aux choux.

Le succès de ce petit film décide Léon Gaumont à lui confier la direction d’un service spécialisé dans les vues animées de fiction. Le nombre de productions augmentant au fil des ans, elle embauche et forme de nouveaux collaborateurs, dont Ferdinand Zecca, Louis Feuillade, ou encore Henri Ménessier à la décoration. Alice réalise quantité de films, dans tous les genres, y compris sociaux. Ainsi, son court-métrage intitulé Les Résultats du féminisme, dans lequel hommes et femmes échangent leurs rôles, reste toujours d’actualité.

Une femme collante et Madame a des envies traitent, avec ironie, des clichés sur le désir féminin.

En 1906, elle tourne la Passion du Christ, premier péplum du cinéma, grosse production, d’une durée de 35 minutes, employant 300 figurants.

Entre 1902 et 1906, Alice Guy réalise également la production d’une centaine de phonoscènes, petits films parlants grâce à l’aide d’un couple de machines inspiré du chronophone de Georges Demenÿ. Sont ainsi conservées pour la postérité des prestations de chanteurs d’opéra et de chansonniers populaires comme Dranem ou Félix Mayol. Bien avant le cinéma parlant, Alice Guy et Gaumont avaient déjà mis en place les bases du parlant !

Pour la qualité de son travail, elle remporte la médaille d’or aux Expositions universelles de 1903, 1905, et 1906, et les Palmes académiques en 1907 en tant que « directrice de théâtre ».

En 1907, elle épouse Herbert Blaché, employé de l’agence Gaumont de Londres. Envoyé par Gaumont à Cleveland aux États-Unis, pour vendre le chronophone, Alice est obligée de démissionner de son poste pour suivre son mari. Ils s’installent quelques temps après à Flushing, près de New York. En 1910, Alice Guy Blaché monte sa propre société, la Solax, dont elle est présidente et directrice de production. Les premiers studios sont construits à Flushing. En 1912, de nouvelles installations sont construites à Fort Lee (New Jersey). La Solax devient rapidement l’une des plus grandes maisons de production des États-Unis.

Mais peu à peu le cinéma migre à Hollywood, où les indépendants ont peu de place. En 1919, son mari la quitte pour une actrice et part à Hollywood. Elle le rejoint quelques temps et l’assiste sur deux films. Mais le couple finit par divorcer. En 1921 elle doit vendre son studio de Fort Lee pour éponger les dettes, dues en grande partie aux erreurs de gestion d’Herbert Blaché. Divorcée et ruinée, Alice rentre en France en 1922 avec ses deux enfants.

A son retour en France, elle frappa à la porte des différents studios. Oubliée, ils lui restèrent tous fermés. Elle abandonna définitivement le cinéma et se mit à l’écriture de petits romans et contes pour enfants. Elle passa le reste de sa longue vie à chercher ses films, en France comme en Amérique, en vain.

Elle meurt aux États-Unis en 1968, à près de 95 ans.

Pendant l’ensemble de sa carrière, de 1896 à 1920, elle aura écrit, mis en scène et produit plus de 1000 films de tous genres et tous procédés, dont plus de 100 films sonores à une époque où le son synchronisé n’était encore qu’un rêve.

Aujourd’hui seuls 130 films ont pu être retrouvés, dans les archives du monde entier.

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